dimanche 22 mai 2011

La route de la trace (Clindor II)




   C'était octobre ou novembre en automne. Les rayons du soleil peinaient à s'infiltrer tous dans le charivari du Père-Lachaise. La nature garde ici l'avantage en dépit des saisons de toute façon. Elle épongeait tout sans distinction de race, de sexe et de religion ; et de raison sociale ! Simplement des visiteurs venaient au cimetière renifler comme des chiens la tombe d’un père absent, d’antan, puissant. On venait là sentir les affres du passé et soutenir des affaires présentes tombées en désuétude. C’est qu’aujourd’hui, on se meurt aussi en surface. Dans le carré nord du cimetière, côté Gambetta, le gisant de Victor Noir. 
Au pays des merveilles (Eros et Thanatos)
Des femmes mûres étaient montées dessus où elles allaient et venaient machinalement, espérant une jouissance réussie.
"Le cadavre est à terre, l'idée est debout." V. Hugo.
Un jeune homme vint, regarda, passa. Celui-là cherchait des augustes pour déposer sa fleur, remettre son hommage pour La Commune toute entière, Rousseau, Robespierre, Blanqui, la planter bien comme il faut, au pied du faux mur des confédérés. Mais sa fleur, se dit-il, et ce malgré la fausseté en dur et en stuc des institutions de surface, comme une sonde végétale itinérante et sans patrie, finirait bien par remonter jusqu’aux vieilles maximes que les pères fondateurs du nouvel ordre avaient rêvées à notre place. Les révolutions creusent des Galeries d’arts. Par un détour involontaire, il arriva bien trop en retard au pied de la forteresse de Thiers, conçue à l'image de son pouvoir,  écrasante et monstrueuse, recouverte avec une de ces peintures contrefaite, plus grumeleuse que blanche (ainsi les tyrans, se croient des anges, à qui forcément on ne reproche plus rien parce que déguisés en vertu républicaine) et où siège, toujours La Commune calcinée autour. Le Thiers Etat avait fait ses comptes. Il avait écrasé et la tige et la fleur. 
Il se faisait tard. L’heure courait après la nuit qu’elle allait bientôt rattraper. Le cimetière commençait à rejeter tous ces chercheurs d’idées incomplètes. Le Père-Lachaise veillait jalousement sur les siennes. En attendant Godot, On purge bébé. « Ouh, ouh, ouille, Clindor ! » Dit un clown. On reconnut son nom. C’était le fils de Pridamant Bardin. « Quoi qui s’offre à vos yeux n’en ayez point d’effroi » rappela le clown qui s’effaça aussi vite qu'une ombre de nuit laissant Clindor seul, devant une tombe ensevelie sous d'autres pierres en pièces. Clindor lut l’épitaphe : « J’écris pour la révolution. Ces fidèles de l’art pur pourront dire que c’est descendre. C’est descendre, oui, comme on descend dans la rue lorsque le peuple y est »
Jules Vallès






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